LA VITRINE HOLOGRAPHIQUE DU TRESOR DE L'ABBATIALE


La chapelle privée de l’Abbaye de Saint-Riquier ne dévoilait jusqu’à présent son trésor que lors d’une visite sur rendez-vous ou à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine.
Ceux qui avaient la chance de monter l’escalier des matines, accompagnés d’un guide, y découvraient d’étonnantes peintures murales du XVIème siècle et des objets rares, précieux, mais fragiles.
Afin de rendre plus accessible au public ce lieu unique, en toute sécurité et toute l’année, la Mairie de Saint-Riquier, en lien avec le Centre culturel départemental de l’Abbaye, a souhaité mettre en place à l’entrée une vitrine holographique.
Plus vivant et attractif qu’une vitrine classique, ce projet a été financé par plusieurs mécènes de proximité : les sociétés Santerne, TPB, Veolia et les Rotary Club d’Abbeville et d’Amiens Vallée de Somme. Retable en albâtre, reliquaires en cristal de roche, calice ciselé, buste en bois polychrome… ces merveilles artistiques se retrouvent désormais dans la lumière pour être admirées sans limite par les visiteurs.

Pour en savoir plus sur chacun d'eux, retrouvez ici leur histoire.



Reliquaire pédiculé du XIII ème siècle

Classé monument historique le 14 juin 1898

Il était destiné à contenir une ou plusieurs reliques. Il pouvait renfermer les restes mortels préservés du corps d’un saint, ou des objets lui ayant appartenus et devenus sacrés à son contact pour les croyants.
Au Moyen-Age, l’importance du culte des reliques encouragea les orfèvres à créer des reliquaires en matériaux précieux, de forme et de style très variés.
Celui-ci, haut de 25 cm, est composé d’une custode octogonale, boîte dans laquelle le prêtre transportait des hosties consacrées, pour distribuer la communion en dehors de l’église. Deux tourelles ajourées l'encadrent. Un chapiteau de feuillages la soutient. Le pied est garni de médaillons niellés. Cette technique décorative emploie le nielle, une substance noire, constituée principalement de sulfure d’argent, pour l’incruster dans le décor gravé et en souligner les motifs.



Pignon de châsse du XIIIème siècle

Classé monument historique le 24 décembre 1912

Ce pignon provient d'une petite châsse en forme d’église destinée à abriter des reliques. Le Christ crucifié est entouré de la Vierge et de saint Jean l'évangéliste. Trois anges assistent à la scène. Un décor géométrique coloré orne le fond. Quelques traces de dorure subsistent, malgré une usure importante laissant apparaître le cuivre rouge. Le Christ et les têtes des personnages en relief ont été fixés à la plaque de cuivre. Ce pignon s'inscrit dans la tradition des châsses reliquaires réalisées par les ateliers d’émailleurs de Limoges. Le faible coût du cuivre émaillé par rapport à l’or ou l’argent, a favorisé l’exportation de leurs œuvres jusqu’en Suède, en Espagne et en Italie.



Reliquaire en cristal de roche du XIIIème siècle

Classé monument historique le 14 juin 1898

Le flacon en cristal de roche (quartz très pur) est gravé et enchâssé horizontalement dans une monture en cuivre doré et surmonté par deux branches courbes qui se réunissent à une petite boule qui forme le couronnement. Il a été façonné en Égypte entre le IXème et XIème siècle sous la dynastie fatimide. Les Egyptiens maîtrisaient la taille du cristal qui requière une grande adresse et des connaissances techniques. Le flacon a ensuite été l’objet d’échanges commerciaux. Lors de son arrivée dans l' Europe chrétienne du XIIème siècle, il a été transformé pour en faire un objet du culte chrétien. Il est fort possible, comme il était d’usage à cette époque, que le montage en cuivre finement gravé ait été réalisé en Italie. Ce reliquaire a été prêté du 20 novembre au 27 mars 2022 pour l’exposition : Les arts de l'islam. Un passé pour un présent.



Médaillon en bois bruni du XVII ème siècle

Classé monument historique le 04 janvier 1915

Ce médaillon s’inscrit avec d’autres dans la présentation de la vie de Jésus. Ici l’enfant avec ses parents Joseph et Marie.
Un autre médaillon retrace la présentation de Jésus par Joseph et Marie au Temple 40 jours après sa naissance. Ils accomplissent ainsi une prescription de la loi juive : «Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur ». Le vieillard Siméon, averti par l'Esprit-Saint de la présence de Jésus, s’y rend aussi. Prenant l’Enfant dans ses bras il lui prédit son destin de messie « de lumière pour éclairer les nations". Le cierge tenu par Joseph au centre de la composition illustre ces paroles. La Présentation de Jésus au temple a pris plus tard le nom populaire de « Chandeleur » ou « fête des chandelles ». La couronne d'épines entourant la scène évoque la couronne que le Christ portera pendant les épisodes de la Passion.



Statuette d’évêque du XVIème siècle

En cours de classement

Cette statuette représente un évêque vêtu d'une chape retenue sur la poitrine par une agrafe. Le chaperon est visible à l'arrière. Il porte également une mitre, dont les deux fanons (bandes de tissu) symbolisent l'Ancien et le Nouveau testament. Il manque la crosse, autre attribut des évêques. L'évêque est assis et feuillette un livre. Cette statuette provient des anciennes stalles de l’abbatiale (rangées de sièges de bois réservés au clergé, placées des deux côtés du choeur de l’église).



Retable du XVIème siècle, illustrant 5 scènes de la vie du Christ

Classé monument historique le 11 avril 1902

Il est composé de 5 panneaux enchâssés dans un cadre de bois. Chaque panneau est séparé de son voisin par une statuette placée dans une niche en bois peint et doré.
On y reconnaît : Saint Jean-Baptiste qui porte un agneau, Saint Pierre qui tient une banderole avec son nom, un roi couronné et vêtu d'un manteau orné de fleurs de lys et une reine couronnée...
Le retable reprend des scènes de la vie de Jésus. Au centre : la Crucifixion. A gauche : la Nativité et l’Adoration des Rois mages. A droite : la Mise au Tombeau et la Résurrection. La finesse de la sculpture est remarquable ; une grande partie des figures humaines, et notamment le Christ en croix, sont en haut-relief, c’est-à-dire qu’elles sont très saillantes, sans pour autant se détacher complètement du fond. De plus, de légères traces de polychromie laissent suggérer que l’ensemble des statues étaient peintes, et devaient rendre les scènes représentées plus vivantes encore.
L’albâtre a été très utilisé par les sculpteurs, car c'est un matériau qui ressemble au marbre, très recherché et très coûteux. Si le polissage de la pierre a bien été réalisé, il est presque impossible de les distinguer à l’œil nu. Tout comme le marbre, il se prête très bien à la polychromie.Il est également plus tendre que le marbre, donc plus facile à sculpter. Ces caractéristiques expliquent l’attrait de l’albâtre dont la production se développe en Europe dès la fin du Moyen Age. Les exemples les plus précoces se trouvent en Angleterre dès le début XIVe siècle. La France, l’Espagne et les villes du nord produiront des œuvres en albâtre principalement au Xvème siècle et au XVIème siècles, puis leur succès déclinera face aux nouveaux marbres modernes.



Buste reliquaire du XVIème siècle

En cours de classement

Les reliquaires adoptant la forme d'une partie du corps humain sont fréquents au Moyen Âge.
Cette sainte, non identifiée, est représentée en buste, coupé sous les épaules et reposant sur une plateforme socle. Elle est revêtue d'un vêtement doré au col carré, probablement orné d'un orfroi, galon brodé en fil d’or ou d’argent, aujourd'hui disparu. Elle porte deux colliers. La sainte, les yeux baissés, a les traits d'une jeune femme à l’expression sereine. Cheveux relevés, son visage est souligné par des tresses encadrant son front haut et est surmonté d'une coiffe où s'enroulent ses cheveux tressés. Au sommet du crâne se trouve la logette, où était jadis déposée la relique. Cette ouverture permettait de voir, et peut-être de toucher les reliques contenues dans ce réceptacle. Les fidèles leur attribuaient un pouvoir surnaturel, capable de provoquer des miracles et de leur apporter guérison et protection. Ce qui justifiait un pèlerinage sur place.
Même morts, les saints étaient considérés comme les intercesseurs les plus efficaces auprès de Dieu.



Peinture murale représentant “Le dit des trois morts et des trois vifs”, XVIème siècle

Classée monument historique en 1840

Les peintures de la salle du trésor de l'abbaye de Saint-Riquier forment un ensemble homogène. Celles du « dit des trois morts et des trois vifs » sont réparties en deux scènes.
Cette légende très prisée au Moyen-Age date de la fin du XIIIème siècle. On la retrouve en sculpture, peinture ou dans les manuscrits.
La scène montre trois riches seigneurs oisifs, à cheval, chassant à l’épervier. Ils rencontrent trois cadavres inégalement décomposés. Le premier squelette tient une lance (pour tuer), le second une pioche (pour creuser et enterrer) et le troisième une pelle (pour recouvrir le corps). Les trois morts leur expliquent : «Tel je fus comme tu es, et tel que je suis tu seras / Richesse, honneur et pouvoir sont dépourvus de valeur au moment de votre trépas».
Le calvaire marque la frontière entre le monde des vivants et celui des morts. La peur sur le visage des hommes et des chevaux est bien visible.
Ce thème rappelle au peuple que tous les humains, même fortunés, sont soumis à la mort. La conception de la mort évolue tout au long du Moyen Age et aboutit à une véritable peur chez les chrétiens liée au Jugement dernier. L’homme, responsable de ses actes sur Terre, doit être bon pour être accepté dans l’au-delà.



La Sainte Trinité, du XVIème siècle

En cours de classement

Dieu le Père,le visage grave, présente Jésus, son Fils crucifié.
Coiffé d’une couronne et revêtu d’un manteau rouge, il a les traits d’un vieillard doté d’une longue barbe ondulée, très fouillée, représentative de la sculpture picarde du XVIème siècle.
Jésus est représenté sur la croix de façon traditionnelle. Vêtu du simple périzonium (morceau de tissu noué autour de la taille), il porte la trace du coup de lance donné dans le flanc droit. Presque paisible, ses yeux sont clos, il ne souffre plus.



Peinture murale du recouvrement des reliques de saint Riquier par le roi Hugues Capet, XVIème siècle

Classée monument historique en 1840

Située sous la peinture du «Dit des trois morts et des trois vifs», l'histoire du Recouvrement des reliques de saint Riquier par Hugues Capet se présente en dix tableaux légendés en picard. Elle est censée se dérouler sous Hugues Capet en 981. Après une apparition en songe de saint Valery, Hugues Capet ordonne à Arnoul II le Jeune, comte de Flandre, de Montreuil et de Ponthieu, de restituer le corps de saint Riquier. Celui-ci avait été enlevé par son grand-père Arnoul Ier en 939 après l’invasion du Ponthieu. Il était conservé depuis à Montreuil.
Après avoir réuni son conseil, Hugues envoie une ambassade auprès du jeune comte qui, effrayé, ordonne la restitution. Arnould prend la tête de la procession, portant lui-même la châsse avec les reliques.
Hugues ramène ensuite le corps de saint Riquier à l'abbaye, où les moines l'accueillent en procession solennelle à la porte de la ville «Centule».



Isabelle de Wazières


Remerciments à:
  • - Brigitte Stimolo, Conservateur des antiquités et objets d'art au Conseil départemental de la Somme
  • - Gilles Prilaux, Archéologue à Somme Patrimoine et Chef de projet au Centre archéologique départemental de Ribemont-sur-Ancre
  • - Amandine Kermann-Marcassin, Médiatrice culturelle au Centre culturel de l’Abbaye de Saint-Riquier pour leurs contributions.